L’Échange d’actualités Eurovision, jalon incontournable de l’histoire de l’information
22 septembre 2021L’information, c’est le monde qui « se parle à lui-même ». Les médias d’information, qui définissent les contours de nos vies, reposent sur les éléments centraux que sont la radiodiffusion et Internet, disponibles aujourd’hui, toujours et partout, à grande vitesse. Dans ce contexte, l’Échange d’actualités Eurovision (EVN) de l’UER est et demeure un service primordial permettant d’offrir des sujets dignes de confiance couvrant toute l’actualité internationale. 2021 marque le 60e anniversaire d’une étape importante pour l’EVN car, après quelques essais dans les années 1950, c’est en 1961 que le Comité des programmes télévisés de l’UER a recommandé sa pérennisation.
L’EVN est l’héritier d’ancêtres dotés d’une grande détermination et d’une vision innovante de l’avenir. Il traduit en outre les progrès réalisés dans le domaine des technologies médias.
L’époque d’avant l’EVN
Revenons un moment dans les années 1950. Les actualités étaient filmées sur des pellicules de 16 mm en noir et blanc, puis développées en studio. Puis, quelqu’un sautait dans un avion ou un train pour les apporter, dans leurs boîtes en aluminium, à d’autres radiodiffuseurs.
« En raison du brouillard, il n’y aura pas d’actualités étrangères aujourd’hui »
Dans l’après-guerre, il était tout à fait possible de voir apparaître cette mention sur les écrans des radiodiffuseurs européens. Si l’avion transportant la pellicule n’était pas en mesure d’arriver à destination, peu importait l’urgence du sujet, l’actualité devait attendre.
Le premier rêve
Dans les années 20, le premier Secrétaire général de l’UER (alors appelée UIR), Arthur Burrows, affirmait que l’accès, par les nations, aux actualités et aux modes de vie d’autres pays engendrerait paix et de compréhension. À la fin des années 50, ce rêve n’était plus loin de se concrétiser avec la création de l’Eurovision et les étapes qui devaient mener à la constitution de ce que nous appelons aujourd’hui l’Échange d’actualités Eurovision.
Le réseau Eurovision
Au début des années 50, un réseau technique interconnecté a été créé pour relier entre eux les studios des principaux radiodiffuseurs européens au moyen de câbles ou de faisceaux hertziens capables de diffuser l’image et le son à la demande. Par la suite, ce réseau a été baptisé « Eurovision ». Il a été utilisé pour présenter aux téléspectateur.rice.s européen.ne.s des images animées de manifestations en direct.
Les Membres fondateurs de l’EVN
C’est la NTS (aujourd’hui NOS) qui, aux Pays-Bas, est à l’origine du concept même de l’Échange d’actualités Eurovision, à la fin des années 50. Très peu de temps après avoir commencé à diffuser des actualités télévisées, en 1956, la NTS a en effet eu l’idée de mettre sur pied un échange international d’actualités par voie électronique. Après tout, pourquoi les sujets d’actualité transmis par un radiodiffuseur sur le tout nouveau réseau Eurovision ne seraient-ils pas réenregistrés sur film (kinescope) par les radiodiffuseurs destinataires, pour être ensuite réutilisés dans leurs propres bulletins nationaux ? Ainsi, brouillard ou pas, rapidement et sûrement, les sujets parviendraient toujours à destination.
Les images parvenant en bout de ligne aux téléspectateur.rice.s après ces manipulations seraient-elles de suffisamment bonne qualité ? Un test, filmé lors du Tour de France, montre que les journalistes néerlandais.e.s pouvaient toujours reconnaître les cyclistes de leur pays dans la course. Magnifique ! La technologie fonctionne !
À la NTS, les principaux créateurs du concept de l’EVN étaient Carel Enkalaar et J. E. Rengalink, et c’est Eric Griffiths et Preeby-Dickenson, de l’ancien Centre technique de l’UER à Bruxelles, qui, grâce à leurs compétences techniques, ont permis de le concrétiser.
Les premières réunions et expériences
Des délégué.e.s de 17 Membres et des ingénieur.e.s de l’UER, que l’on pourrait considérer comme l’équipe à l’origine de l’EVN, se sont réunis en 1957 pour évoquer la possibilité d’un échange d’actualités par le biais de l’Eurovision. Plus tard cette année-là, dans le plus pur style UER, un questionnaire était envoyé aux Membres dans le but de déterminer le type de services d’information que ceux-ci offraient alors.
En avril 1958, la décision est prise d’expérimenter l’échange de sujets d’actualité au mois d’octobre. Inévitablement, des obstacles sont apparus en cours de route. Pour différentes raisons, l’ARD et l’ITN ne pouvaient pas participer à cette première tentative. L’Exposition universelle, qui se déroule en Belgique cette année-là, met le matériel à rude épreuve. La deuxième semaine de la période d’essai, le matériel et le réseau seront bloqués en raison d’un match de football.
Mais l’essai finit par avoir lieu et s’avère probant d’un point de vue éditorial autant que technique. Carel Enkalaar, de la NTS, est alors coordinateur des actualités. Il travaille au centre de contrôle de l’Eurovision, au Palais de Justice de Bruxelles. L’actualité marquante de cette semaine-là est le décès du Pape Pie XII.
Cet essai prouve que l’idée est réalisable, et on recommande de reproduire l’expérience en mars 1959. Celle-ci est cependant repoussée au mois de mai, à la demande de l’ARD.
Les réunions se succèdent et abordent la « question délicate » des relations avec les agences de presse.
Le deuxième essai
Le deuxième essai, qui a finalement lieu en juin 1959, consistait en un échange quotidien d’actualités. Il est considéré comme une grande réussite, ce qui amène le sous-groupe des rédacteur.rice.s d’actualités à recommander, à l’unanimité, l’organisation d’un échange régulier de contenus d’actualité, « le plus rapidement possible ».
Les pièces du puzzle s’assemblent
À partir de l’automne 1959 et durant toute l’année 1960, on se met d’accord, au cours de nombreuses réunions, sur tous les éléments nécessaires pour garantir la faisabilité pratique d’un échange régulier d’actualités. De quel matériel a-t-on besoin ? Quel personnel doit être sollicité ? Quel est le budget ? Comment partager les coûts ? Comment définir l’accès des tierces parties ? Cinq Membres de l’UER (NIR, NTS, RAI, RTT, BBC) partagent régulièrement, à titre expérimental, des transmissions d’actualités. Des désaccords se font jour concernant la ville où devrait se situer le coordinateur des actualités : à l’UER à Bruxelles, aux côtés des ingénieur.e.s Eurovision, ou au siège, dans les bureaux administratifs de l’UER à Genève ? En définitive, il a été décidé que cette fonction serait abritée à Genève.
Mars 1961 marque le début d’un essai de cinq mois, avec une rotation mensuelle des coordinateur.rice.s d’actualités (issu.e.s de Membres) et un.e gestionnaire du trafic. La période d’essai est prolongée jusqu’à septembre. Il est à noter, particulièrement, que le Comité Télévision de l’UER se réunit en septembre 1961 pour évoquer les coûts de ce service, ainsi que leur partage. Point important, le comité décide à l’unanimité que l’échange de sujets d’actualité était véritablement une « bonne idée » et recommande la poursuite, l’amélioration, la prolongation et le développement des transmissions. Le démarrage en janvier 1962 d’une opération plus longue, de sept jours, est recommandé. Le navire EVN était lancé.
L’EVN de nos jours
Depuis lors – soit depuis 60 ans -, l’Échange d’actualités Eurovision est au service des radiodiffuseurs et des citoyen.ne.s d’Europe et d’une bonne partie du reste du monde. Il nous a tendu un miroir, durant les périodes fastes et les périodes difficiles, et a couvert de façon fiable, indépendante et rigoureuse tous les grands événements. Nous pouvons assurément affirmer que l’EVN constitue un jalon incontournable de l’histoire de l’information.