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HISTOIRES

L'IA renforce le mariage entre technologie et créativité

03 juillet 2023
L'IA renforce le mariage entre technologie et créativité

Avec l'arrivée sur le marché grand public des outils d'IA générative, le débat jusqu'alors réservé à un petit groupe d'experts se déroule aujourd'hui au sein d'une communauté beaucoup plus large. Le royaume de l'IA et des données franchit enfin la barrière de l'audience, passant d'une réflexion conduite par quelques milliers d'experts à une prise de conscience par des millions de personnes bien informées.

La situation actuelle évoque pour moi ces fans de football qui se prennent pour les entraîneurs et les stratèges de leurs équipes, alors qu'ils n'ont pratiquement pas touché un ballon depuis des dizaines d’années. Des personnes prennent position, même si elles n’ont qu’une connaissance lacunaire du développement de l'IA au cours des 20 ou 30 dernières années ; des leaders d'opinion comme Elon Musk expriment des points de vue qui semblent souvent inspirés davantage par leurs intérêts personnels que par une analyse honnête des conséquences du développement d'outils toujours plus perfectionnés susceptibles d’assister, voire de remplacer les êtres humains.

Les outils d'IA soutiennent déjà l'innovation et rationalisent les opérations afin de libérer des ressources pour des tâches plus importantes. Cependant, la question se pose : ne faudrait-il pas guider attentivement l’IA dans son évolution ?

Relever le niveau de référence

L'IA aura un impact dans tous les domaines humains : des outils puissants aideront les médecins et les avocats à prendre de meilleures décisions, assisteront les développeurs de logiciels dans la rédaction de code, augmentant ainsi la disponibilité des ressources dans le cadre d'un processus exponentiel auto-entretenu. L'accélération de la vitesse de traitement a déjà largement dépassé la loi de Moore, en doublant tous les six mois plutôt que tous les dix-huit mois, ouvrant la voie à une sorte de ruée vers l'or. Investisseurs et start-ups tentent de surfer sur la vague d'une révolution dont beaucoup prédisent qu'elle aura un impact durable.

La disponibilité de tous ces outils permet, d'une part, à chacun de disposer d'un ensemble minimum de compétences apparentes : rédaction, codage, talent musical, etc., produisant potentiellement des résultats de meilleure qualité. Le niveau de référence est donc relevé et, pour se distinguer, il faut apporter des idées originales et fournir des prestations bien au dessus du niveau de base.

En même temps, il faut des règles pour éviter que certains ne surexploitent ces technologies à leur propre avantage, en déformant l'information ou en créant des effets infodémiques susceptibles de polluer la vie des citoyens. L'information et l'éducation sont des précurseurs de l'évolution politique et s’avèrent donc essentielles si l’on veut préserver la liberté de nos sociétés démocratiques.

Nourrir la bête

L'IA devrait être utilisée pour extraire la valeur fournie par l'intelligence humaine et l’esprit critique. Un exemple : il y a souvent autant d'informations dans les commentaires de lecteurs compétents et de libres penseurs que dans les nouvelles elles-mêmes. Il ne devrait donc pas être difficile d'assembler et de filtrer les meilleurs de ces commentaires pour dessiner les contours d'un sujet ou d'un événement donné. Le problème posé par ChatGPT peut se résumer comme suit. Puisque l’outil fonctionne sur la base des informations créées par l'être humain, si l'humain régresse ou n'alimente plus le système en informations utiles, le résultat deviendra autoréférentiel, c'est-à-dire fondé sur un contenu créé par l'IA à partir d'informations qui n'évoluent pas. Si l’IA n’applique pas de critère de filtrage et n'écoute que la majorité, elle risque de régresser.

Une solution à ce problème pourrait consister à tirer parti de la multiplicité des medias de service public, et de la confiance qui leur est faite, pour injecter de nouvelles idées constructives et rejeter les divergences négatives, exposer la diversité des points de vue de différents pays et cultures et extraire de précieuses contributions des réactions du public. Ce serait là une sorte d'exercice d'éducation aux medias, assisté et facilité par l'IA. La participation active du public a déjà été tentée dans le passé et souvent abandonnée en raison d’une limitation des ressources. L'IA, associée à la contribution essentielle de journalistes et de créatifs de confiance, pourrait repousser les frontières dans le dialogue entre les medias et leurs publics.

Une nouvelle perception de l'IA, du grand public à la direction des entreprises de medias, devrait fournir les moyens de créer des expériences personnalisées pour les utilisateurs plutôt que de superviser leur comportement. L’objectif serait de mieux comprendre les attentes du public et mieux le servir, tout en attendant davantage d'une union intime entre technologie et créativité.

Cet article est extrait du numéro de juin 2023 de la revue tech-i.

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