Pour rebâtir la confiance, les MSP doivent miser sur la diversité de leurs instances dirigeantes
14 février 2017Dans un monde où algorithmes et robotique exercent une influence croissante sur l'information, il est indispensable de revenir aux fondamentaux et de se poser les bonnes questions : en quoi consiste la démocratie ? Et que faire pour protéger la liberté d'expression et la liberté de la presse ?
Les participantes à la réunion 2017 du réseau WEM (Women Executives in the Media, Femmes dirigeantes dans les médias) de l'UER, réuni pour l'occasion à Berlin, ont eu le privilège de pouvoir écouter Ursula von der Leyen, ministre allemande de la Défense. Celle-ci a notamment déclaré : "La liberté d'expression est l'une des pierres angulaires des sociétés ouvertes, diverses et démocratiques. Elle permet aussi à tout un chacun de se forger sa propre opinion et de fonder la société sur un consensus. L'époque actuelle voit cependant les machines s'opposer à l'humain. Nous devons donc apprendre à faire face aux algorithmes, aux robots et aux trolls et ne pas hésiter à tordre le cou aux fausses informations."
Mme von der Leyen a invité les médias de service public (MSP) à éduquer le public et à l'informer davantage de ces phénomènes. Elle les a cependant aussi exhorté à prendre plus de temps pour approfondir les sujets et vérifier leurs sources.
Les fausses informations nourrissent en effet les dissensions et la haine et, dans ce contexte, la diffusion de "vraies" informations est plus que jamais essentielle. Les MSP ont un rôle important à jouer à cet égard, mais ils doivent continuer à répondre aux attentes de leur public et resserrer les liens noués avec lui.
On constate en effet que dans de nombreux pays, la défiance à l'égard des médias dans leur ensemble n'a jamais été aussi forte (Edelman Trust Barometer 2017). Les MSP doivent donc être aux avant-postes en matière d'ouverture et de transparence et se mobiliser en faveur de la vérité.
Ainsi donc, les deux tiers de la population allemande jugent les MSP crédibles, mais un tiers ne partage pas cette opinion, ce qui fait dire à Karola Wille, Présidente du radiodiffuseur allemand ARD : "Nous devons refléter plus fidèlement la vie de nos téléspectateurs et auditeurs, dans toute leur diversité." À en croire certaines études, 50% des Allemands estiment en effet que les MSP nationaux sont trop éloignés de leurs préoccupations quotidiennes.
Ines Pohl, rédactrice en chef à la Deutsche Welle, juge pour sa part que des enseignements importants peuvent être tirés de la situation aux États-Unis : "Nous ne devons jamais perdre de vue le rôle important que nous jouons. Quittons nos bureaux et nos rédactions pour aller à la rencontre de nos concitoyens et rendre compte de ce qu'ils vivent concrètement, au quotidien. Nous devons constamment garder à l'esprit la nécessité de nous adresser à tous, y compris à ceux qui ne suivent pas l'actualité." Il convient de noter à cet égard que Facebook constitue déjà l'unique source d'information de près de la moitié (45%) des Américains.
Antje Homburger, rédactrice en chef adjointe à l'agence de presse allemande DPA, déplore elle aussi que les journalistes soient encore trop nombreux à rester enfermés dans leur "bulle". Pour resserrer leurs liens avec leur public, les médias doivent s'adresser à lui d'une autre manière, en commençant par aborder des sujets qui l'intéresse vraiment,
Et pour regagner sa confiance, les médias doivent refléter davantage la diversité de la société. Les hommes sont en effet encore souvent majoritaires dans un grand nombre de rédactions, et les femmes représentent à peine un quart des personnes qui s'expriment dans les bulletins d'information, ou auxquelles sont consacrés des sujets d'actualité.
Or, des leçons utiles peuvent être tirées du monde des affaires et d'autres sphères du secteur public.
Mme von der Leyen déclare : "Il serait extrêmement utile de renforcer la transparence du système, car cela permettrait de prendre conscience qu'un certain nombre de préjugés ont encore la vie dure."
On peut par exemple s'interroger sur les raisons pour lesquelles, dans l'armée allemande, les femmes ne dépassent jamais le statut de cadre intermédiaire.
On peut aussi réfléchir aux mesures concrètes qui permettraient d'instaurer un meilleur équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, tant pour les femmes que pour les hommes. Ainsi donc, Mme von der Leyen a défini des accords-cadres en vertu desquels les personnes occupant des postes à responsabilités sont tenues de veiller à ce que les femmes assument des fonctions qui leur permettent à terme d'intégrer les instances dirigeantes.
De nombreux pays ont aussi recours aux quotas, sans lesquels beaucoup craignent que de longues années soient encore nécessaires avant que l'on parvienne à une parité parfaite, notamment au sein des conseils d'administration. Le gouvernement fédéral allemand a ainsi instauré des quotas pour les sociétés cotées en bourse, qui doivent compter 30% de femmes au sein de leur conseil de surveillance. Pour Monika Schulz-Strelow, Présidente de la FidAR, les quotas sont utiles, mais ne font pas changer les mentalités : "Les quotas permettent d'ouvrir des portes, mais c'est à nous de nous engouffrer dans la brèche et de faire nos preuves."
Parmi les autres mesures évoquées figurent un système de tutorat pour les collaboratrices, le travail en réseau, la sensibilisation au sexisme et aux préjugés inconscients qui existent chez les hommes et les femmes, ou encore la remise en cause du postulat selon lequel ce sont les femmes qui renoncent à leur carrière pour élever leurs enfants.
Les changements structurels sont certes importants, mais c'est surtout l'évolution des mentalités qui fera la différence. L'exemple doit venir d'en haut, mais il peut aussi venir des niveaux inférieurs. La mise en place d'un système d'encadrement adapté ou la prise d'initiatives par les femmes occupant des postes à responsabilité font partie des solutions qui peuvent entraîner des changements concrets.