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La presse libre est vitale pendant la pandémie de coronavirus

30 avril 2020
La presse libre est vitale pendant la pandémie de coronavirus

Cilla Benkö, DG de la radio suédoise et membre du conseil d’administration de l’UER, écrit sur l’importance d’une presse libre pendant la pandémie de coronavirus dans un éditorial pour la Journée mondiale de la liberté de la presse publié précédemment dans le journal suédois Dagens Nyheter

Alors que le coronavirus se propage, la liberté des médias est menacée et remise en cause dans le monde entier.  La nécessité d’une position internationale capable de sauvegarder le journalisme – un représentant spécial des Nations Unies – a rarement été aussi évidente.

La Journée mondiale de la liberté de la presse sera célébrée le 3 mai dans le monde entier. On ne peut guère sous-estimer l’importance d’une presse libre dans une situation comme celle dans laquelle nous nous trouvons maintenant.

Une étude récente du Reuters Institute de l’Université d’Oxford* montre que la grande majorité des gens se tournent vers les médias traditionnels pour obtenir des informations sur le coronavirus. Ceux qui utilisent les médias traditionnels comme source d’information en général en savent plus sur le virus et la maladie qu’il cause, le COVID-19, comparativement à ceux qui obtiennent leurs informations d’autres sources.

Pendant ce temps, il existe un certain nombre d’exemples inquiétants de la façon dont la liberté de la presse et la liberté d’expression dans le monde sont menacées dans le sillage du coronavirus. Des pays comme la Hongrie, le Japon, la Thaïlande et le Cambodge ont tous adopté des lois strictes sur l’état d’urgence qui limitent considérablement la liberté des médias.Les pays défendent l’introduction de ces lois avec la situation de crise dans laquelle le monde se trouve, mais il y a un risque que les lois restent en place même après la crise immédiate est terminée. Comme en Hongrie, où sa loi temporaire sur l’état d’urgence a été introduite dans le cadre de la crise des réfugiés en 2015, qui a notamment renforcé le contrôle du gouvernement sur les médias et restreint la liberté de l’information, a été prolongé à maintes reprises depuis.

D’autres exemples concernent le contrôle du contenu. Au Turkménistan, les médias contrôlés par l’État ont été interdits d’utiliser le mot coronavirus. Les journalistes en Inde ont été censurés. Et en Russie, les journaux ont été contraints de publier des articles sur le site Web, tandis que l’UE rapporte des incidents de campagnes de propagande et des tentatives de propager des rumeurs émanant de Russie.

Il est essentiel, même sous grande pression, que les personnes au pouvoir et les experts, les décisions et les lignes directrices soient scrutées à la loupe. Dans les démocraties qui fonctionnent bien, il y a un respect et une compréhension mutuels que cela se fait. Mais il y a aussi ceux qui sont au pouvoir qui profitent maintenant de la situation pour faire valoir leurs propres positions par rapport aux médias.

Parallèlement, les pressions financières exercées sur les organisations de médias commerciaux augmentent à mesure que les recettes publicitaires diminuent rapidement – ce qui menace de réduire radicalement la diversité des médias à un moment où les gens ont vraiment besoin d’entendre de nombreuses voix et perspectives différentes afin que Ils peuvent prendre leurs marques dans cette crise. Le coronavirus risque ainsi de frapper durement la liberté de la presse et la liberté d’opinion. À long terme, les acteurs des médias pourraient être complètement éliminés ou se retrouver sous un contrôle accru de l’État, et cela s’applique aux médias commerciaux ainsi qu’aux sociétés de services publics opérant selon un modèle commercial mixte.

En 2016, Reporters sans frontières a lancé une campagne visant à établir un représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la sécurité des journalistes. Une initiative digne de ce nom, que j’ai maintes fois soutenue avec des centaines d’entreprises médiatiques, la liberté des organisations de presse et d’autres comme le président français Emanuel Macron et l’ancien président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a répondu en 2017 en ouvrant un canal de communication spécial pour les situations d’urgence impliquant la sécurité des journalistes avec la diplomate espagnole et conseillère principale en matière de politique Ana-Maria Menendez comme point focal.Guterres a également soulevé la question à plusieurs reprises, notamment lors de la Journée internationale des Nations Unies pour mettre fin à l’impunité des crimes contre les journalistes, le 2 novembre.

Il est donc clair que les Nations Unies prennent cette question très au sérieux, mais l’époque dans laquelle nous vivons montre aussi qu’il faut agir davantage. Un représentant spécial signifierait le leadership et la coordination d’un acteur ayant une influence politique, qui serait en mesure de surveiller la liberté de la presse dans le monde d’une manière puissante.

Le coronavirus et sa propagation précoce dans des pays comme la Chine et l’Iran, où il y a des restrictions qui limitent la capacité des médias de diffuser de l’information vitale, montre très clairement que cette question est cruciale pour nous tous.

 

*Naviguer dans l’« infodémie » : comment les habitants de six pays accèdent et évaluent les nouvelles et l’information sur le coronavirus. Rasmus Kleis Nielsen, Richard Fletcher, Nic Newman, J. Scott Brennen et Philip N. Howard. Reuters Institute/University of Oxford.

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Ecrit par


Cilla Benkö Lamborn

Directrice générale