Le paquet législatif relatif aux services numériques peut-il tenir ses promesses aux médias ?
21 décembre 2022Les 6 et 7 décembre, des représentant.e.s de médias européens de service public se sont réuni.e.s pour analyser le paquet législatif relatif aux services numériques et évaluer ses répercussions potentielles sur les médias.
L'UE a récemment adopté un paquet législatif relatif aux services numériques, qui s’articule autour de la législation sur les services numériques (DSA) et de la législation sur les marchés numériques (DMA). Il s’agit d’une avancée positive pour les médias de service public.
Pour toucher tous leurs publics, les médias audiovisuels et la presse - qu'ils soient publics ou commerciaux - dépendent de plateformes appartenant à des tiers. Devenues de véritables « contrôleurs d’accès », celles-ci ont remodelé le paysage médiatique et bouleversé les habitudes de consommation des médias, notamment parce qu’elles privilégient leurs intérêts commerciaux au détriment de considérations d'intérêt général, telles que la liberté et le pluralisme des médias. Avec les législations DSA et DMA, l'UE entend empêcher ces plateformes de fausser la concurrence et structurer les relations qu’elles entretiennent avec leurs utilisateurs et utilisatrices, dont les médias de service public.
Quels sont les points positifs ?
La législation DSA oblige les plateformes à plus de transparence s’agissant de leurs conditions générales, de leurs systèmes de recommandation et de leurs décisions en matière de modération de contenu. Ainsi donc, elles devront mieux informer les utilisateurs et utilisatrices de leurs conditions générales et leur signaler toute modification qui pourraient y être apportée ; elles seront également tenues d’expliquer leur modus operandi concernant la recommandation de contenus et justifier le retrait de certains d’entre eux.
S’agissant de la législation DSA, l’on espère vivement qu’elle permettra de rééquilibrer la relation entre médias de service public et contrôleurs d’accès. Elle devrait en effet faciliter l'accès des fournisseurs de services de médias aux données relatives à la publicité et à la participation du public. L'interdiction de certaines pratiques de traitement préférentiel (self-preferencing) devrait en outre favoriser une plus grande équité sur les marchés numériques. Il est également probable que les utilisateurs et utilisatrices pourront modifier plus facilement certains paramètres par défaut.
Quels sont les points négatifs ?
En raison du libellé relativement vague de la législation DSA, les médias de service public se montrent quelque peu sceptiques à l’égard de certaines obligations telles que les exigences de transparence imposées aux systèmes de recommandation des plateformes. En outre, les procédures de plainte ne semblent pas pouvoir permettre aux fournisseurs de services de médias de contester efficacement les décisions injustifiées et arbitraires des plateformes en matière de modération de contenu. À une époque où les contenus médiatiques ne sont véritablement intéressants que durant les premières heures de leur publication, les procédures de règlement des litiges qui peuvent prendre des mois, voire des années, ne permettent pas de corriger ce déséquilibre.
Du côté de la législation DMA, ses avantages ne se concrétiseront que si sa mise en œuvre permet de rétablir la concurrence sur les marchés numériques pour les entreprises et les utilisateurs finaux. Or, le déploiement de cette législation risque fort de rencontrer un certain nombre d'obstacles : la Commission européenne dispose de moyens limités ; les plateformes faisant office de contrôleurs d’accès peuvent plaider pour une interprétation restrictive de certaines règles, ou tenter de se soustraire à leurs obligations en invoquant des problèmes de confidentialité ou de sécurité. Dans le secteur des médias, il s’avérera essentiel de déterminer comment la législation DMA s'appliquera dans l'environnement de la télévision connectée, car les comportements problématiques de la part des contrôleurs d’accès sur ce type de dispositifs semblent se multiplier.
Affaire à suivre
Les prochains mois seront donc cruciaux pour déterminer si les législations DSA et DMA portent leurs fruits. Quelle que soit l'issue, le secteur des médias ne ressemble à aucun autre et ces règlements horizontaux, malgré les avantages qu’ils présentent, ne résoudront qu'une partie de l'équation, une législation complémentaire demeurant en tout état de cause nécessaire pour répondre aux préoccupations propres à ce secteur. La Loi européenne sur la liberté des médias offrira une possibilité de nourrir le dynamisme de l’écosystème médiatique européen en ligne.
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