La future réglementation européenne sur le comportement des plateformes en ligne est un des sujets d’actualité les plus suivis. Les propositions de règlement sur les services numériques (DSA) et sur les marchés numériques (DMA) visent à écrire le prochain chapitre de l’Internet. En tant qu’organismes de médias, nos Membres innovent à vitesse accélérée dans le numérique. Ces règlements auront donc des conséquences importantes sur leurs relations avec leurs publics en ligne.
La procédure d’adoption des règlements DMA et DSA avance et les textes sont actuellement en discussion au Parlement européen. À ce stade décisif, nous avons organisé, le 11 mars dernier, un événement qui a réuni deux eurodéputées travaillant sur ce dossier, Christel Schaldemose, rapporteure du règlement DSA, et Stéphanie Yon-Courtin, vice-présidente de la commission des affaires économiques et monétaires, avec Delphine Ernotte Cunci, PDG de France Télévisions et nouvelle présidente de l’UER. La discussion était modérée par Wouter Gekiere, responsable du Bureau de l’UER à Bruxelles.
Devant un vaste public en ligne, composé de professionnel.le.s des médias et de responsables politiques européen.ne.s, les trois intervenantes ont largement débattu sur l’intérêt de ces deux règlements pour les médias européens et leurs publics. Voici un aperçu des nombreux sujets abordés, allant du rôle des plateformes dans la lutte contre les contenus illicites, aux rapports avec la réglementation sectorielle sur les médias, en passant par les futures conditions d’application des règlements.
Delphine Ernotte Cunci a ouvert le débat en déclarant que les médias européens, notamment les médias de service public (MSP), avaient une forte valeur à deux niveaux, économique et démocratique. Chaque année, les MSP investissent environ 20 milliards d’euros dans des contenus pour la télévision, la radio et le numérique. Les Membres de l’UER représentent également la plus grande rédaction d’Europe, avec plus de 40 000 journalistes. Les actualités et les informations fiables et objectives qu’ils fournissent sont essentielles pour protéger la santé des démocraties. Mais avec 72 % d’Internautes accédant aux informations non pas par la source originale, mais par une autre porte, notamment les réseaux sociaux et les moteurs de recherche, les plateformes en ligne ont un énorme impact sur le secteur des médias et exercent une influence forte, alors qu’elles ne jouent pas toujours franc jeu. Christel Schaldemose et Stéphanie Yon-Courtin ont insisté sur la nécessité de protéger les médias européens libres et indépendants. Si les règlements DSA et DMA ne sont pas les seuls à contribuer à cet objectif, ils peuvent néanmoins jouer un rôle majeur.
Alors que les contenus mis en ligne par le secteur des médias sont soumis à une réglementation et à des normes strictes, ils sont régulièrement édités une nouvelle fois par les plateformes. Delphine Ernotte Cunci a présenté le point de vue de l’UER selon lequel il n’est pas acceptable qu’une société privée retire, sans préavis ni explication, des contenus de médias qui ne répondent pas, pour une raison ou une autre, à ses règles. Christel Schaldemose a estimé quant à elle que les plateformes ne devraient pas retirer des contenus dont les médias portent la responsabilité éditoriale : « Elles ne doivent pas pouvoir intervenir et réglementer les médias. »
Les difficultés de communication des utilisateurs et utilisatrices avec les plateformes accentuent le problème : les moyens de contact mis à disposition sont limités. La réglementation de cette question peut être complexe. En effet, nous ne devons pas rouvrir le débat concernant la directive sur le droit d’auteur ni la directive sur les services de médias audiovisuels, dans le cadre du règlement DSA proposé. Il est cependant possible de trouver des solutions pour renforcer les droits de tous les utilisateurs, utilisatrices, entreprises et particuliers, a déclaré Christel Schaldemose, notamment au moyen d’un avertissement en cas de retrait d’un contenu et d’une mention claire si un contenu n’est pas conforme aux conditions. Mme Schaldemose a également indiqué que les plateformes en ligne étaient devenues des espaces publics et devaient, à ce titre, avoir certaines obligations pour garantir les droits des utilisateur.rice.s. Quant à Stéphanie Yon-Courtin, elle propose concrètement de mettre en place des mécanismes spécifiques pour recueillir les plaintes des utilisateurs et utilisatrices et arbitrer les litiges.
Selon Mme Yon-Courtin, le règlement DMA doit être un outil efficace et paré pour l’avenir. L’objectif est d’établir des règles claires et pratiques prévoyant des prescriptions et des interdictions pour éviter de longues procédures relevant du droit de la concurrence. Les marchés numériques doivent rester équitables et concurrentiels. Le pouvoir croissant d’une poignée de sociétés privées est une question qui doit être traitée. Pour que le secteur des médias reste compétitif, il ne faut pas seulement veiller à son poids économique, mais également au pluralisme des médias et à un journalisme de qualité, digne de confiance. Les pratiques qui seront certainement visées concernent en particulier l’auto-référencement, qui consiste pour les plateformes à traiter leurs propres services plus favorablement que ceux de leurs concurrents. Or cette pratique restreint le choix des utilisateur.rice.s et fausse la concurrence. Le règlement DMA devra le limiter en obligeant les plateformes à modifier leurs algorithmes. Stéphanie Yon-Courtin et Christel Schaldemose ont également évoqué la nécessité d’examiner les modalités d’utilisation, par les plateformes, des données appartenant à leurs client.e.s et à leurs utilisateur.rice.s. Cet enjeu est particulièrement important pour l’UER : Delphine Ernotte Cunci a signalé que les plateformes ne permettaient pas à nos Membres d’accéder aux données concernant leurs propres contenus et services.
Cet intéressant débat montre que les problèmes causés par les plateformes en ligne dans le secteur des médias sont bien identifiés et compris par les responsables politiques. Les deux eurodéputées invitées sont convaincues que le Parlement européen adoptera des règlements DSA et DMA, qui définit un cadre solide pour l’innovation, la concurrence loyale, la formation d’opinion et la liberté d’expression. Il est important de noter que leurs projets d’amendements sont ambitieux et responsables. De notre point de vue, notre présidente a déclaré qu’elle avait bon espoir quant à l’élaboration des règlements DSA et DMA. Elle a encouragé tous les médias, publics et privés, à unir leurs efforts pour soutenir les travaux tout au long de la procédure législative.
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