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DISCOURS

Allocution de bienvenue de Noel Curran, directeur général de l'UER, à la conférence Radiodays Europe

27 mars 2023
Allocution de bienvenue de Noel Curran, directeur général de l'UER, à la conférence Radiodays Europe

Je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser à vous toutes et tous aujourd'hui.

C'est toujours un plaisir de participer à Radiodays Europe, et je suis particulièrement ravi d'être présent à vos côtés à Prague, au moment même où la Radio tchèque, l’un des Membres de l’UER, se prépare à fêter son centenaire. La Tchécoslovaquie n'était alors que le deuxième pays d'Europe - après le Royaume-Uni - à réaliser régulièrement des émissions radiophoniques et la Radio tchèque a longtemps fait œuvre de pionnière dans le domaine de la radiodiffusion, aussi bien en matière de contenu que d'innovation technique. Et je me félicite de constater qu’elle ait continué sur sa lancée.

La radio fait partie de notre vie depuis plus de 100 ans. Mais nous devons constamment résister à la tentation de la considérer comme un média du passé. Nous devons aussi lutter contre les idées préconçues de celles et ceux qui la considèrent et la dépeignent comme un média « du bon vieux temps », que l’on écoute d’une oreille distraite tout en vaquant à ses occupations.

Je suis convaincu que certains y prennent un malin plaisir, bien que leurs préjugés passent sous silence le dynamisme et l’utilité d’une large part de la production radiophonique.

S’agissant de son utilité, les chiffres parlent d'eux-mêmes :

  • 84 % des Européens et 76 % des jeunes écoutent la radio chaque semaine.
  • C'est le média le plus consommé au monde.
  • Dans plus de 70 % des pays européens, c'est le média jugé le plus digne de confiance.

La pandémie de Covid, et maintenant la guerre en Ukraine, ont rappelé toute l’importance de la radio, ainsi que son utilité.

C’est en particulier dans le domaine de l'information, sur lequel on m'a demandé de me concentrer aujourd'hui, que la radio s'est vraiment imposée ces dernières années. La pandémie de Covid et le conflit ukrainien ont permis de rappeler à celles et ceux qui l’avaient peut-être oublié que le contenu audio est plus flexible, plus rapide et plus facile à produire et à distribuer que le contenu télévisuel.

La qualité des contenus produits pour la radio durant cette période critique a été tout à fait remarquable, et pas seulement du point de vue technique. Ces contenus ont en effet été un concentré d'accessibilité, d'immédiateté et d'intimité, qu’il convient de reconnaître à sa juste valeur.

Cette réussite s’explique également par le talent des équipes éditoriales et la capacité d’innovation des producteurs et des reporters radio.

L’information est depuis toujours au cœur de la production radiophonique : les nouvelles représentent à elles seules plus d'un quart des contenus diffusés par les stations publiques – et leur importance n’a jamais été aussi grande.

Il était indispensable d’informer la population ukrainienne et de lui fournir des nouvelles exactes, précises et dignes de confiance. Nous entendrons bientôt Andriy Taranov, de l’UA:PBC, Membre ukrainien de l’UER, qui réalise un travail remarquable dans des conditions pourtant extrêmement difficiles, travail auquel je tiens ici à rendre hommage.

J'aimerais également profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour remercier nos Membres - et les nombreux diffuseurs commerciaux - qui se sont mobilisés pour aider l'Ukraine, par exemple en retransmettant les signaux de la radio publique ukrainienne ou en lançant de nouveaux services de programme à l’intention des personnes déplacées.

Cette guerre épouvantable fait des ravages et l’Ukraine en subit les terribles conséquences. N’oublions cependant pas les risques énormes que prennent nos reporters sur le terrain pour rendre compte des événements, coûte que coûte. Selon les alertes publiées sur la plateforme du Conseil de l'Europe pour la sécurité des journalistes, à ce jour ce ne sont pas moins de douze journalistes et professionnels des médias qui ont perdu la vie en couvrant le conflit ukrainien. On dénombre également 23 personnes blessées. Nous savons d’ores et déjà que ces chiffres s’aggraveront, aussi devons-nous lutter pour que les journalistes opérant dans des zones de conflit armé soient protégés et autorisés à travailler sans subir d’ingérence. Le droit du public à l'information en dépend.

Comme je l'ai dit en guise d’introduction, nous devons veiller, lorsque nous parlons de la radio, à ne pas rappeler uniquement ses atouts de média fiable et utile, mais aussi à souligner son dynamisme en ce qui concerne la production et les nouveaux publics.

Nous savons que près de deux tiers des jeunes Européens écoutent des podcasts et que c’est dans la tranche d'âge des 13-24 ans que l'audio parlé enregistre sa plus forte progression.

Le public est donc de toute évidence friand de contenu audio de qualité ; ce qui a changé, c’est que les auditeurs sont désormais en position de force, ce contenu étant de plus en plus consommé À LA DEMANDE.

Nous devons par conséquent élaborer des stratégies de distribution multiplateformes efficaces pour faire en sorte que la radio demeure une « voix » de confiance, qui s’adresse à des millions d’auditeurs et d’auditrices, en particulier pour les systèmes audio des véhicules.

Dans un monde où les jeunes s'informent de plus en plus sur les médias sociaux, comment leur offrir une véritable alternative et s’assurer qu'ils comprennent et apprécient toujours le pouvoir de la radio ?

Plusieurs solutions s’offrent à nous.

Nous proposons un large éventail de contenus en ligne et sur les plateformes, mais nous savons que le niveau de confiance envers ces contenus est dramatiquement faible. Il faudrait que la radio réussisse à transférer dans le monde en ligne le « capital confiance » dont elle jouit auprès du public.

Les podcasts peuvent nous aider à sortir du cycle négatif de l’information et à proposer un journalisme davantage axé sur les solutions, auquel les jeunes peuvent s'intéresser.

Les podcasts nous donnent aussi l'occasion de repenser et de moderniser les formats radiophoniques traditionnels en matière d’info, d'expérimenter et de jouer, de proposer des expériences plus immersives, de conquérir de nouveaux auditeurs et de toucher de nouvelles « niches », sans pour autant tourner le dos au grand public.

L’émission française « Salut l'info ! », par exemple, est le fruit d'un partenariat entre France Info et le journal Astrapi et propose chaque semaine des bulletins d'information conçus pour les jeunes.

La Radio suédoise s’attache à concevoir de nouveaux formats audio numériques dans le domaine de l’information, afin de proposer de courts clips adaptés aux plateformes numériques et rassemblés sous forme de playlists, grâce auxquelles les auditeurs peuvent facilement accéder aux contenus qu'ils souhaitent écouter.

Mais les podcasts nous permettent également d'approfondir des sujets, de raconter des histoires du début à la fin et de communiquer des informations contextuelles, ce qui est particulièrement important pour les jeunes publics.

Je sais que la Rai, Membre italien de l’UER, reviendra sur le succès remporté par son podcast documentaire en 14 parties, « Io ero il milanese » (J’étais le Milanais). Racontée avec les propres mots du protagoniste, l'histoire de la rédemption d'un homme va maintenant être développée sous la forme d’une série télévisée, tant ce podcast a fait mouche.

Nul besoin de s’inquiéter outre mesure du fait que les podcasts captent une partie de l'audience de la radio linéaire. Notre stratégie globale doit consister à offrir aux auditeurs un contenu audio de qualité, quelle que soit la plateforme et le format.

Je suis également convaincu qu'un genre enrichit l'autre. Il existe de nombreux exemples d'émissions nées sous forme de podcasts et qui ont ensuite fait recette à la radio. C’est notamment le cas des podcasts « Brexitcast » et « Electioncast » de la BBC, qui ont été rediffusés non seulement à la radio, mais aussi à la télévision, tout en conservant leur caractère informel et leur ton léger.

Nous devons investir judicieusement dans les plateformes tierces pour rester visibles et fidéliser le public. Mais nous ne devons pas craindre de créer et de promouvoir nos propres environnements, afin qu’il puisse découvrir notre contenu.

Ces dernières années, bon nombre de nos Membres ont investi dans des services audio innovants, tels que BBC Sounds ou SR Play. Leur objectif, ce faisant, est de mieux contrôler l'expérience offerte au public, les recommandations ultérieures et la capacité à développer la notoriété de la marque et l'attribution à la marque.

Nous devons continuer à faire preuve d'audace et à concevoir nos propres plateformes de distribution. Gardons nos contenus pour nous, ne les partageons que lorsque c’est opportun.

Nous nous trouvons à une période charnière, car les conditions commerciales sont en train d'être définies. Or une fois qu’elles seront établies, il sera compliqué de les modifier.

Nous avons aujourd'hui la possibilité de plaider pour l’instauration d’un cadre réglementaire propice au développement de notre secteur, tant en ligne que hors ligne.

Pour atteindre cet objectif, les médias publics et privés doivent trouver un terrain d'entente. Nous sommes convaincus que c'est possible. Nous avons présenté un front uni lors de l’élaboration des législations sur les services et les marchés numériques, et c’est aussi ensemble que nous avons remporté avec des succès importants sur des enjeux tels que les assistants virtuels. Et nous travaillons main dans la main en prévision de la Conférence mondiale des radiocommunications, qui aura lieu en novembre prochain.

Je sais que les avis divergent, à l’intérieur même de cette salle, concernant la nouvelle loi européenne sur la liberté des médias. À l'UER, nous l'avons accueillie favorablement, mais nous souhaitons que certains changements y soient apportés. En tout état de cause, la Commission européenne est déterminée à aller de l'avant, aussi devons-nous nous efforcer de peser sur la suite du processus. Il est en effet primordial de saisir toutes les occasions de demander des règles strictes en matière de visibilité et d'attribution à la marque, ainsi que des garanties procédurales.

L’enjeu étant de taille pour les médias de service public, ils sont résolus à trouver un terrain d'entente.

Le secteur audiovisuel, auquel un avenir radieux s’ouvre aujourd’hui, peut être fier de sa longue histoire.

Les médias jouissent en effet d’un niveau élevé de confiance, conquise de haute lutte, et ils ont maintenant la possibilité d’asseoir leur place aussi dans le monde en ligne.

Nous avons avec nous certains des meilleurs producteurs et journalistes au monde, mais il faut les protéger et croire en leur capacité à conquérir de nouveaux auditeurs.

Et surtout, nous disposons du moyen de communication le plus extraordinaire pour rester proches de nos publics et nous avons la responsabilité de nous adapter, d'innover et de travailler ensemble pour qu'il continue à assumer ce rôle unique pendant les 100 prochaines années !

Liens et documents pertinents

Contact


Noel Curran

Directeur général de l'UER

dgo@ebu.ch