Quelle est la valeur au cœur des médias de service public ? À mon sens, c’est incontestablement la confiance.
Le public doit savoir qu’il peut compter sur son média de service public pour obtenir une information précise, impartiale et documentée. Sur plus de 90 % des marchés européens, l’information fournie par les médias audiovisuels publics est régulièrement celle qui inspire le plus confiance. Cette réputation a été gagnée de haute lutte et ne peut être tenue pour acquise. Elle s’est construite au fil des décennies, en s’appuyant sur la pratique d’un journalisme indépendant, l’objectivité des analyses, la vérification des faits et la responsabilité.
Le public est plus prudent à l’égard des médias sociaux. En Europe, seuls 20 % de la population fait confiance à ce qu’elle lit sur les plateformes de médias sociaux.
La vérification est essentielle pour que le public puisse comprendre d’où viennent les informations diffusées sur les réseaux sociaux. S’appuyant sur ce principe, Twitter était jusqu’à récemment une proposition convaincante pour de nombreux organismes de médias. Mais aujourd’hui, c’est la règle du pay to play qui s’applique, conduisant le public à douter que les tweets qu’il choisit de lire et de partager proviennent bien de la source indiquée. Par ailleurs, les comptes des diffuseurs ont été étiquetés arbitrairement « financés par le gouvernement », « financés par le secteur public » ou « affiliés à l’État ». Parallèlement, la propagande manifeste de certains États comme la Chine et la Russie est inexplicablement autorisée à la diffusion sans aucune vérification.
Si Twitter pouvait se vanter de jouer dans la cour des grands en termes d’influence sur l’opinion publique, ses incohérences récentes et son autoritarisme ont aujourd’hui d’importantes conséquences sur un public déjà aux prises avec la désinformation. Dans un espace numérique instable, cette confusion pourrait bien accélérer la disparition d’une plateforme qui fut un forum de référence pour les organismes de médias et les particuliers du monde entier.
En sapant la confiance et la crédibilité, Twitter entraîne au moins trois phénomènes nouveaux dans la sphère numérique. D’abord, les utilisateur.rice.s pourraient se tourner vers des plateformes qui fixent des règles plus claires et sont ouvertes à un dialogue responsable avec leurs parties prenantes. Ensuite, de nouvelles méthodes de vérification vont apparaître, plus compréhensibles et plus fiables. Enfin, une réglementation verra le jour pour recadrer les géants de la technologie surdimensionnés. Nous observons déjà les signes de la première tendance. Ainsi donc, des médias publics bénéficiant d’un niveau de confiance très élevé, tels que la Radio suédoise, ont choisi de quitter Twitter en raison de sa baisse de qualité. En ce qui concerne la vérification, des labels comme l’Initiative pour la confiance dans le journalisme, qui se méritent et ne s’achètent pas, continuent de se développer. Et sur le plan de la réglementation, la Commission européenne, au niveau de l’UE, et l’Ofcom, au Royaume-Uni, instaurent des cadres de portée large visant les grandes sociétés qui dominent l’espace numérique, afin de protéger les personnes et les entreprises tout en encourageant la croissance des marchés numériques.
Si l’économie numérique a fait avancer la société de multiples façons et a permis à des entrepreneurs comme Elon Musk de lancer des projets remarquables, la concentration de l’autorité entre les mains d’une seule personne à la tête d’une société qui communique avec les médias à coup d’emojis et sans règles transparentes constitue une véritable régression. La vérification doit être fidèle à sa promesse : lorsqu’une personne voit le nom de son diffuseur de service public, elle doit savoir qu’elle peut faire confiance à une information fournie et vérifiée de manière indépendante. Le public doit pouvoir accéder facilement, sur toutes les plateformes, à des informations fiables et se fier à leur source.
Le manque de transparence et de responsabilité qui entoure les décisions prises par Twitter est préjudiciable aux médias audiovisuels publics. Mais, avant tout, il est préjudiciable aux citoyen.ne.s. Nous devons agir aujourd’hui pour protéger nos démocraties. Nous invitons Elon Musk à reconnaître que les règles et les responsabilités s’appliquent dans tous les domaines d’activité de ses entreprises, que ce soit sur la route, dans l’espace et, de la même manière, dans la sphère numérique.